Carole
Melchior

L'instantané mobile

Chroniques d'une pandéie, avril 2020. Réalisé pour le Centre national de l'audiovisuel (CNA), Luxembourg.

Début avril, je me mets en route, je longe des paysages, je traverse des villages. Je photographie au rythme de ce déplacement, je saisis des bribes, des fragments, je prélève intuitivement. La couleur s'impose. Je roule, je marche, je m'arrête, j'observe.

Après dix-neuf jours de confinement seule chez moi, ce voyage au bord de la frontière semble une expédition. L'impression de sortir d'un vaisseau, ma maison, pour m'aventurer au dehors. Car il m'avait semblé sentir la terre tourner dans cette forme d'immobilité, dans ce territoire physique et psychique modifié. Attentive aux variations de lumière, de température, immergée dans la partition des oiseaux, chaque jour devenait une expérience un peu nouvelle, ma perception du temps se modifiait.Tout m' avait semblé intense ces dernières semaines de mars. De la peur, de la tristesse, de la colère, mais de la joie aussi, et le sentiment d'un printemps.

Mue par ce ressenti, j'aborde cette mission photographique, tentant de découvrir ce que la pandémie transforme dans les lieux que je traverse. Au fond c'est subtil je crois. Je capte alors au fil du chemin, comme les éléments d'une enquête, un relevé numérique, un flux visuel à travers lequel je laisse une histoire se tisser, comme un instant ordinaire.

* J'emprunte ces mots « L'instantané mobile » à Jean-Christophe Bailly, dans son livre « Le dépaysement »